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Dre Mariela Segura - La Science d’ici | LeVeterinarius, Vol. 32 n°4 septembre 2016

Responsables de la chronique : Mme Ann Letellier et Dre Christine Theoret, m.v.

Dre Mariela Segura

Dre Mariela SeguraQUESTION : PARLEZ-NOUS DE VOS ORIGINES.

Réponse : Je suis née à Rio Cuarto, une ville située en région agricole dans la province de Córdoba en Argentine. Toute jeune, j’avais deux passions assez différentes : la biologie et l’architecture. Je me souviens de mes nombreuses excursions dans la nature à la recherche d’insectes, de feuilles et de papillons afin de bonifier mes collections que je conservais dans un cabanon à l’arrière de la cour. J’avais tout un système de classification avec une série de noms inventés, n’ayant aucune idée à  l’époque de la nomenclature scientifique. À l’école secondaire, j’ai développé une passion pour le design et l’architecture. Je pouvais passer des heures à faire des dessins qui, lorsque sélectionnés lors de concours, étaient accrochés aux murs des corridors de mon école.

 

Q : DÉCRIVEZ VOTRE PARCOURS PROFESSIONNEL.

R : Bien que des limitations économiques m’aient empêchée de déménager dans une autre ville pour poursuivre des études en architecture, le hasard m’a fait découvrir la microbiologie lors d’un souper de famille où une amie de mes parents m’a raconté son expérience d’études au doctorat dans ce domaine. Je me suis vite passionnée pour ce monde de l’infiniment petit. J’ai d’abord complété un baccalauréat en microbiologie en 1994 à l’Université Nationale de Rio Cuarto. Puis, ayant obtenu une bourse de l’Agence canadienne de développement international, j’ai quitté la maison, et l’Argentine, pour m’enrôler successivement dans un programme de maîtrise en sciences vétérinaires et de doctorat en immunologie et microbiologie à l’Université de Montréal. Mon sujet de recherche portait sur la réponse immunitaire innée, et, plus particulièrement, sur le rôle des macrophages lors d’infections à Streptococcus suis chez le porc. Par la suite, j’ai effectué deux formations postdoctorales; une première sur la signalisation intracellulaire et la phagocytose au Centre de recherche en infectiologie de l’Université Laval, puis une seconde en immunoparasitologie au Center for the Study of Host Resistance de l’Université McGill. Lors de ce dernier stage, j’étudiais l’effet immunosuppressif des nématodes intestinaux qui cause une susceptibilité accrue à d’autres maladies et une réponse réduite à la vaccination. J’ai joint la FMV en 2007 à titre de professeure sous octroi à la suite de l’obtention d’une bourse salariale de chercheuse et de subventions de fonctionnement des gouvernements provincial et fédéral, et je suis devenue professeure agrégée en immunologie en 2012.

 

Q : QUEL EST LE PRINCIPAL ENJEU DANS VOTRE DOMAINE?

R : Un enjeu majeur en immunologie vétérinaire est le développement de vaccins efficaces et, dans ce domaine, la recherche porte autant sur la formulation et la voie optimale d’inoculation que sur la
caractérisation de nouveaux adjuvants et l’identification d’antigènes hautement immunogéniques. Un adjuvant ne sert pas uniquement à amplifier la réponse immunitaire, il permet aussi de l’orienter et ainsi de favoriser une réponse à médiation cellulaire ou à médiation humorale. La voie d’inoculation a aussi un impact sur la formulation du vaccin. Par exemple, en raison du pH gastrique acide, la préservation antigénique est un enjeu important lors d’une vaccination orale visant à stimuler l’immunité des muqueuses. De plus, l’identification d’un antigène couvrant le maximum de variants antigéniques et élicitant une mémoire immunitaire de longue durée est un enjeu important
de recherche dans le développement des vaccins.

 

Q : QUEL EST VOTRE OBJECTIF À MOYEN TERME?

R : Mes efforts visent une meilleure compréhension des mécanismes de la réponse immunitaire par rapport aux infections causées par les bactéries extracellulaires pourvues d’une capsule polysaccharidique, comme les streptocoques. La réponse immunitaire lors de ces infections est  grandement atténuée parce que les sucres présents au sein de la capsule sont identiques à ceux  présents dans l’hôte, créant ainsi un mimétisme qui diminue fortement la reconnaissance antigénique. De plus, les propriétés physicochimiques des sucres réduisent différents aspects de la réponse à médiation cellulaire, incluant l’adhésion cellulaire, la phagocytose et la production de cytokines. Cet intérêt envers la biologie des sucres, connu de nos jours sous le nouveau vocable de la glycobiologie, vise ultimement le développement de vaccins dirigés contre les enveloppes de polysaccharides, un défi beaucoup plus complexe que la génération d’anticorps contre des antigènes protéiques.

 

Q : Y A-T-IL UNE SITUATION EN RECHERCHE QUI VOUS A PARTICULIÈREMENT MARQUÉE?

R : Oui, c’est le travail d’investigation que j’ai effectué sur le terrain pendant cinq semaines en Chine en 2005 lors d’une épidémie mortelle causée par Streptococcus suis. En effet, l’apparition d’une
souche pathogène particulièrement virulente présente initialement chez des porcs malades fut transmise à l’homme, résultant en plus de 200 personnes infectées et près de 40 mortalités. À l’époque, je fus la seule scientifique étrangère invitée en Chine pour participer à la caractérisation de cette épidémie, une expérience scientifique et de vie hautement formatrice.

 

Q : AVEZ-VOUS UN CONSEIL POUR LES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES?

R : Un concept important à retenir est qu’un système immunitaire en santé est le meilleur bouclier, la meilleure défense contre les infections, et ce, particulièrement dans le contexte actuel du  développement de l’antibiorésistance et de l’utilisation judicieuse des antibiotiques. Ainsi, toute recherche visant le développement d’immunomodulateurs et d’adjuvants plus efficaces doit être encouragée.

 

Source : Le Veterinarius | Vol. 32 n°4 septembre 2016