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Dr Younès Chorf - La Science d’ici | LeVeterinarius, Vol. 30 n°4 avril 2014

Par les Drs Jean Sirois, DMV et Christine Theoret, DMV

Younès Chorfi, docteur en nutrition

Source : Marco Langlois de la FMVPARLEZ-NOUS DE VOS ORIGINES

Fils d’un ceinturier marocain, j’ai grandi dans la vieille ville de Fès, ancienne capitale politique et intellectuelle du Maroc, aujourd’hui patrimoine mondial sous la protection de l’UNESCO. Mes parents, peu scolarisés, ont encouragé mes trois frères, trois sœurs et moi-même à poursuivre nos études, bien que nous devions continuer à contribuer à la fabrique artisanale de notre père. C’est ainsi que j’ai pu m’instruire tout en développant une dextérité supérieure, qui me servirait un jour en chirurgie! Mon intérêt pour une carrière en médecine émanait de mon instinct de détective; l’attrait pour moi était le défi diagnostique.

DÉCRIVEZ VOTRE PARCOURS PROFESSIONNEL

À la suite de l’obtention d’un baccalauréat en sciences expérimentales (équivalent du Cégep), j’ai pu intégrer l’Institut agronomique et vétérinaire de Rabat. L’année terminale fut dévouée à mon sujet de thèse. Avec mon mentor, un chirurgien, nous avons comparé différents abords chirurgicaux pour réaliser l’excision de la tête fémorale chez le chien, menant ainsi à l’obtention du diplôme de docteur
vétérinaire en 1994. J’ai dû par la suite compléter un service militaire de 15 mois. J’ai ensuite accepté l’invitation du Dr Youssef ElAzhary de le rejoindre à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal pour y compléter une formation de 2e cycle en virologie vétérinaire. Une formation de 3e cycle avec le Dr Armand Tremblay a suivi. Muni de ces diplômes (M. Sc. en 1999 et Ph. D. en 2005) et
fort de l’expérience acquise au Service de diagnostic de la Faculté de médecine vétérinaire à réaliser des profils métaboliques de vaches laitières, j’ai débuté ma carrière professorale au Département de biomédecine vétérinaire en 2008.

QUELS SONT LES PRINCIPAUX ENJEUX DANS VOTRE DOMAINE?

Les principaux enjeux qui me préoccupent en alimentation animale relèvent de carences ou d’excès en lien avec des conditions de production particulières. L’intensification des méthodes de production chez les animaux de rente nord-américains requiert un parfait équilibre de la ration pour atteindre une performance maximale.

Je m’intéresse en particulier aux conséquences d’une carence en sélénium, un puissant antioxydant, puisque le Canada recèle plusieurs régions dont les sols en sont pauvres. Par ailleurs, une incidence croissante de mycotoxicoses est rapportée, en particulier chez le ruminant, ce qui reflète possiblement les changements climatiques favorisant la présence de moisissures dans les aliments d’origine végétale.

QUELS SONT LES OBJECTIFS DE VOTRE RECHERCHE?

Je vise à développer des méthodes d’analyse rapides et fiables, qui seront à la portée des éleveurs et de leurs médecins vétérinaires, pour mesurer les oligo-éléments. Je souhaite également étudier les effets de la supplémentation (Se+, vit. E) pour valider certaines approches thérapeutiques. À cet égard, nous avons déjà mis au point une technique de chromatographie à haute pression en phase liquide pour mesurer le sélénium chez la vache et, ce faisant, avons démontré une corrélation entre les concentrations dans le sang et le lait. Nos études chez les veaux de boucherie montrent qu’il est préférable de supplémenter par une injection à l’entrée au parc d’engraissement puis de poursuivre la supplémentation par le biais des aliments. Chez le chien arthrosique, nous avons montré que la supplémentation n vitamine E couramment utilisée devrait être décuplée pour atteindre des effets bénéfiques sur le contrôle de l’inflammation et de la douleur.

QU’EST-CE QUE VOUS TROUVEZ LE PLUS MOTIVANT ET LE PLUS DIFFICILE DANS VOTRE TRAVAIL?

Je suis un détective passionné; j’aime donc suivre une piste et résoudre l’énigme (valider ou rejeter l’hypothèse). J’aime également encadrer les étudiants de cycles supérieurs et ainsi contribuer à leur développement de carrière. Vu mon parcours, je ne tiens rien pour acquis; je valorise ainsi la rétroaction et le jugement de mes pairs.

DE QUELLE RÉALISATION ÊTES-VOUS LE PLUS FIER?

La présence de mycotoxines (vomitoxine, ochratoxine, zéaralénone, toxine T2, etc.) est difficile à diagnostiquer dans l’aliment et peut provoquer des symptômes très variables chez l’animal qui le consomme. Conséquemment, j’ai développé un test de dépistage dans des échantillons de sang, d’urine ou de lait, puis mes collaborateurs et moi avons entrepris d’associer la présence de mycotoxines à diverses problématiques cliniques, par exemple la susceptibilité du porc aux infections virales, l’acidose ruminale, l’intégrité hépatique et les indices de reproduction chez le bovin laitier. L’objectif est de confirmer ou d’infirmer le rôle des mycotoxines afin de savoir quand il est nécessaire de traiter.

QUELS SONT LES IMPACTS DE VOTRE RECHERCHE SUR LA PRATIQUE VÉTÉRINAIRE?

Surtout économiques... Mes découvertes permettent de poser un diagnostic de carence (dans le cas de la vitamine E et du sélénium) ou de l’impact de mycotoxicoses sur la santé et la productivité de l’animal. L’éleveur et le médecin vétérinaire peuvent ainsi faire un choix judicieux quant au traitement à instaurer (ou non).

Source : Le Veterinarius | Vol. 30 n°4 avril 2014 p.34