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Entretien avec Schlasiva Cénatus

Dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs, nous avons rencontré Schlasiva Cénatus, étudiante à la maîtrise en sciences vétérinaires option microbiologie et pathologie à la Faculté de médecine vétérinaire, afin d’avoir sa perspective sur cet événement et découvrir son parcours.

Parlez-nous de vos origines... 

Je viens d'Haïti, mes parents aussi. Toute la famille a immigré ici assez récemment, il y a six ans. Je viens d'une famille de trois enfants. Je suis l’aînée et la fille unique aussi. Mon père a immigré en tant que travailleur qualifié : il était médecin en Haïti. Et ma mère est technicienne en laboratoire. J’ai un frère qui étudie au doctorat à l’Université de Montréal. Des membres de ma famille sont encore en Haïti et d’autres vivent aux États-Unis et au Canada. Mon pays d'origine ne donne pas le goût d’y revenir pour le moment, mais on espère que ça ira mieux bientôt. 

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours académique? 

J’ai fait mes études secondaires en Haïti.  Lorsqu’on a commencé le processus d’immigration, j'ai dû attendre un peu avant de commencer l’université. J’ai étudié dans une université anglophone en Ontario située près de Toronto, la Brock University.

Par la suite, j'ai transféré mes crédits à l'Université d'Ottawa. J’ai fait mon baccalauréat en biologie médicale.  À la fin de mon baccalauréat, j'ai postulé pour une maîtrise en microbiologie. J’ai obtenu un stage ici, avec professeur (Mohamed) Rhouma, avant de commencer la maîtrise.  Je suis actuellement en phase de rédaction pour mon mémoire de maîtrise, qui se terminera cet été. Ensuite, j’entamerai un Ph. D. 

De quelles réalisations êtes-vous la plus fière dans votre parcours jusqu’à maintenant? 

C'est là où je suis actuellement. C’est le fait d’avoir réalisé beaucoup de choses en si peu de temps. Mon baccalauréat devait durer quatre ans à Ottawa, mais je l’ai complété en moins de temps.  Et je suis passée directement ici, à la maîtrise. Je pense qu’en cinq ans, c’est vraiment beaucoup!

Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir ce domaine d’études en particulier? Avez-vous été influencée par vos parents?

Au début, je voulais terminer mon baccalauréat, puis entrer à l’école de médecine. Mais en faisant mon bac en biologie médicale, j’ai réalisé que ça ne correspondait pas à mes goûts. Je n’ai pas vraiment aimé la médecine. Ce qui m’a intéressée dans mon programme, ce sont les travaux qu’on faisait en laboratoire. 

J’ai suivi des cours de microbiologie et j’ai développé un amour pour ce domaine. C’est là que je me suis dit que j’allais faire ma maîtrise en microbiologie. 

Quelles sont vos aspirations académiques et professionnelles? 

Comme je disais, je commencerai un Ph. D. après ma maîtrise. Dans le futur, j’aimerais peut-être travailler comme professeure. Je voudrais d’abord travailler au sein du gouvernement ou pour une entreprise non gouvernementale, pour acquérir une expérience non-académique.

Envisagez-vous de rester au Québec ?

Je pense rester ici. J’aime bien le Québec. Pas que je n’aimais pas l’Ontario, mais j’aime bien le Québec. Je suis déjà bien installée ici avec le doctorat qui s’en vient et j’ai déjà demandé au professeur Rhouma de me diriger. Je pense être ici pour au moins cinq ans. Après, ça dépendra de l’endroit où j’aurai des opportunités. 

On souligne en février le Mois de l'histoire des Noirs. Que représente cet événement à vos yeux?

Puisqu’on est en minorité dans ce pays, je pense que c'est vraiment une bonne initiative de souligner les accomplissements des noirs du Canada et d’ailleurs. Parce que ce n’est pas toujours mis en lumière. C’est une belle occasion de mettre en évidence ce que nous faisons et de l’exposer à tout le monde. 

Est-ce une occasion pour vous de découvrir des personnalités que vous ne connaissiez pas?

Oui. Ça m’aide en tant que noire à connaître mes pairs. J'apprends beaucoup, même si c’est mon histoire.

Y a-t-il une personnalité issue de la communauté noire qui vous inspire particulièrement? 

Michaëlle Jean, qui est d’origine haïtienne. Je pense qu'elle est le symbole de ce que nous voulons pour la communauté ici et de ce qu'une femme noire peut accomplir, grâce à sa discipline. Sa vie nous enseigne qu'il ne faut pas qu’on se limite, il faut qu’on vise le sommet et qu’on travaille pour y arriver. Elle a quand même beaucoup étudié pour arriver là où elle est. Devenir gouverneure générale, ça représente beaucoup de discipline et de travail. C'est vraiment un modèle, en tant que femme noire. 

Et puis il y a aussi Martin Luther King Jr., cette fois pour ses réalisations à travers son pacifisme. 

Avez-vous rencontré des difficultés liées à votre parcours académique depuis votre arrivée au Canada?

Au début, avec le baccalauréat, ce fut un peu difficile. Certains enseignants assumaient que l’on connaissait déjà certaines notions, en se basant sur le programme ontarien.  

Ça m’a demandé beaucoup de recherches personnelles pour comprendre les notions et combler cet écart, n’ayant pas fait d’études secondaires ici. 

On n’avait pas beaucoup de labos en Haïti. On y est plus théorique que pratique. Et le contenu académique était tout de même assez différent. Maintenant, je suis habituée à travailler un peu plus, tout va bien!

Que pourrions-nous faire selon vous pour intégrer davantage les personnes noires à la communauté facultaire? 

Je pense qu’il pourrait y avoir un cercle d’entraide à l’université pour les minorités, pour les aider à communiquer entre elles. Les personnes pourraient partager leurs difficultés, et aider celles qui peinent à combler leurs lacunes. 

On pourrait aussi s’encourager les uns les autres. Si on fait des travaux de recherche qui présentent des résultats intéressants, on pourrait se motiver à participer à des congrès, par exemple, pour présenter nos projets. Mon directeur (Dr Rhouma) m’encourage beaucoup à ce niveau. 

Auriez-vous un conseil à donner à une jeune femme issue de la communauté noire qui veut se lancer dans de longues études?

Mon message serait de ne pas hésiter à travailler deux fois, ou trois fois plus pour atteindre ses objectifs. Parce qu’en venant d'une culture différente, ça demande plus de travail et de sacrifices pour s’adapter à tous les niveaux. 

© Crédit photo: Marco Langlois.