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Dre Sheila Laverty - La Science d’ici | LeVeterinarius, Vol. 29 n°5 décembre 2013

Par les Drs Jean Sirois, DMV et Christine Theoret, DMV

Dre Sheila Laverty

PARLEZ-NOUS DE VOS ORIGINES.

Je suis née en Irlande, la cadette d’une famille de six enfants (trois garçons et trois filles). J’ai grandi sur une ferme où nous avions des moutons, des bovins et mon père avait des chevaux de courses à l’entraînement, un loisir pour lui. En Irlande, les courses de chevaux faisaient partie de la culture; c’était un événement social qui regroupait les fermiers, les familles, tout le monde. Le milieu dans lequel j’ai grandi fut également marqué par des tensions politiques importantes. Notre maison était située à 10 minutes de la frontière avec l’Irlande du Nord, gardée par des soldats britanniques avec des mitraillettes; un environnement qui m’a fortement façonnée.

DÉCRIVEZ VOTRE PARCOURS PROFESSIONNEL

Les deux seules personnes éduquées dans mon village étaient un prêtre et un médecin vétérinaire; comme je ne pouvais être prêtre, je suis devenue médecin vétérinaire! J’ai obtenu mon diplôme à Dublin (University College) en 1980. Par la suite, j’ai travaillé pendant environ cinq ans dans de grandes cliniques équines en Irlande, en Australie et en Nouvelle-Zélande; le défi   étant important à l’époque pour une femme dans un monde d’hommes. De 1985 à 1988, j’ai effectué une résidence en chirurgie équine à Davis (University of California), où j’ai d’ailleurs rencontré mon conjoint qui m’a attirée par la suite au Québec. Je ne connaissais pas le Québec, mais je parlais déjà français, ayant suivi des cours à l’école secondaire ainsi que le soir pendant mes études vétérinaires à Dublin. Je suis devenue professeure adjointe en chirurgie équine à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal en 1989.

D’OÙ VIENT VOTRE INTÉRÊT POUR LA RECHERCHE?

Deux personnes m’ont grandement influencée. D’abord, la Dre Sue Stover qui avait un laboratoire d’orthopédie à Davis et avec qui j’ai fait mon premier projet de recherche sur l’ostéoarthrose du jarret en 1988. C’est une des personnes les plus brillantes que j’ai rencontrées et qui m’a transmis la passion pour la recherche. Ensuite, il y a près de 20 ans, j’ai fait la rencontre du Dr Robin Poole, professeur à McGill et chercheur à l’Hôpital Shriners de Montréal. C’est le Dr Poole, une sommité dans le domaine de la recherche sur l’ostéoarthrose chez l’homme, qui m’a appris à penser autrement, à sortir des sentiers battus et à avoir le courage de le faire.

QUEL EST VOTRE DOMAINE DE RECHERCHE?

Ma recherche porte principalement sur l’ostéochondrose, une maladie orthopédique du développement, importante chez le cheval, et l’ostéoarthrose, une maladie dégénérative de l’articulation. Les principaux enjeux pour l’ostéoarthrose en médecine vétérinaire et en médecine humaine demeurent le diagnostic précoce et le traitement. En effet, il n’existe pas en ce moment de bons outils de diagnostic pour le dépistage hâtif de la maladie ni d’options thérapeutiques efficaces pour arrêter sa progression ou enclencher la guérison. Pour l’instant, le traitement demeure symptomatique et se limite à l’administration d’agents anti-inflammatoires.

QUELS SONT VOS OBJECTIFS À MOYEN TERME?

Nos efforts actuels se concentrent sur le développement d’un diagnostic plus précis à l’aide de l’imagerie médicale, ainsi que sur une meilleure compréhension de la pathophysiologie de ces deux maladies dans le but d’identifier de nouveaux biomarqueurs. Nos résultats préliminaires indiquent que la cathepsine K, une enzyme impliquée dans la résorption osseuse, serait présente lors de la dégradation du cartilage et pourrait potentiellement servir de marqueur. Nos études sur les cellules souches permettent égale-ment d’investiguer les voies de signalisation de la chondrogenèse, l’objectif étant de pouvoir moduler un jour la chondrogenèse chez l’animal.

QUELLE EST VOTRE RÉALISATION LA PLUS MARQUANTE?

Au milieu des années 2000, en utilisant le modèle équin, nous avons caractérisé la pharmacocinétique et les concentrations dans le liquide synovial de la glucosamine à la suite de son administration orale. C’était la première étude du genre, toutes espèces confondues, qui fut publiée dans Arthritis & Rheumatism, une revue ayant un fort facteur d’impact. Nos résultats ont démontré que les concen-trations de glucosamine atteintes dans le liquide synovial étaient bien inférieures (500 fois moindre) à celles utilisées auparavant dans les études in vitro qui identifiaient des effets  bénéfiques de la molécule. Ces résultats signifiaient donc que, pour démontrer l’efficacité de la glucosamine, les études in vitro devaient être reprises en utilisant des concentrations en lien avec celles atteintes in vivo dans l’articulation. Cette remise en question de plusieurs études ne fut pas sans créer un certain malaise...

QUE TROUVEZ-VOUS LE PLUS MOTIVANT EN RECHERCHE?

Deux éléments me viennent rapidement à l’esprit. D’abord, il n’y a rien de plus stimulant après avoir mis beaucoup d’effort et d’énergie dans un projet que d’obtenir des résultats hautement significatifs. Ensuite, c’est vraiment un grand privilège de travailler avec des personnes jeunes, motivées et pleines de rêves; notre capacité de les aider à réaliser leurs rêves est une grande source de motivation.

Source : LeVeterinarius | Vol. 29 n°5 décembre 2013