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Délégué technique vétérinaire aux Jeux olympiques : une mission en or pour Yves Rossier

commission vétérinaireLors des 32e Jeux olympiques d’été à Tokyo au Japon en 2021, Yves Rossier, professeur titulaire au département de sciences cliniques à la Faculté de médecine vétérinaire, s’est vu confier le rôle singulier de délégué technique vétérinaire par la Fédération Équestre Internationale (FEI). Récit d’une expérience hors du commun. 

Le rôle de délégué technique vétérinaire aux Jeux olympiques est particulier, puisqu’il compte un seul représentant par édition. C’est le symbole de l’apogée d’une carrière dédiée au bien-être équin, jumelée à de nombreuses participations comme délégué vétérinaire à des compétitions équestres de haut niveau.  

M. Rossier a été initié à l’importance des médecins vétérinaires dans les compétitions équestres et courses de chevaux au début des années 1990 par Marcel Marcoux, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire et Denys Frappier, médecin vétérinaire en pratique privée. Ses mentors furent d’ailleurs délégués vétérinaires aux Jeux olympiques de Montréal en 1976. Comme l’explique M. Rossier, « on commence au bas de l’échelle en participant à des événements plus routiniers. Il y a cinq niveaux de concours FEI, catégorisés entre une et cinq étoiles. On progresse selon la hiérarchie. On démontre nos habiletés et nos compétences, on acquiert de l’expérience, on apprend à résoudre les problèmes ». Durant sa carrière, M. Rossier a notamment participé aux Jeux panaméricains, aux Jeux paralympiques à Londres et aux championnats d’Europe. Il a été vétérinaire d’équipe aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992 et d’Atlanta en 1996, puis superviseur de la clinique lors des Jeux olympiques de Londres en 2012. Plus près de nous, il participe à l’International Bromont et aux concours équestres à Blainville.

M. Rossier a pu compter sur le support de la Faculté qui a reconnu le rôle de délégué vétérinaire FEI dans son profil de carrière professorale, lui permettant de conjuguer ses rôles de professeur et de délégué vétérinaire. Il fait aussi profiter ses étudiants et ses étudiantes de son expérience, qui se joignent à lui lors des compétitions qui se déroulent au Québec. Du coup, ses élèves apprennent sur le terrain tout en se familiarisant avec leur futur milieu de travail. 

Une préparation minutieuse

Yves Rossier s’est rendu à Tokyo à quatre reprises avant le début des Jeux pour se préparer et se familiariser avec les installations. Il a collaboré avec l’équipe vétérinaire japonaise. Le Japon a une grande tradition de course hippique en hippodrome, mais pratique très peu de sport équestre de haut niveau. « Les chevaux de course et de sport équestre ont des problèmes différents, des pathologies différentes. Les chevaux de course sont aussi plus jeunes. On a expliqué à l’équipe vétérinaire japonaise tous les protocoles et les problèmes qu’on pouvait rencontrer », relate M. Rossier. 

Une cinquantaine de médecins vétérinaires bénévoles du Japon et de l’étranger se sont joints à M. Rossier pour l’aventure olympique, qui devait s’assurer qu’il y ait une cohésion entre tous les membres. Plusieurs bénévoles sont des habitués de compétitions équestres. « Ce sont des gens très expérimentés qui adorent faire ça », précise-t-il. En 20191 , un événement préparatoire appelé Test event a été déployé dans le cadre de compétitions internationales, avec la participation de tous les officiels et de l’ensemble des ressources. Cette étape qui met à l’épreuve les installations et les protocoles, donne l’occasion à tous les intervenants de travailler de concert afin de finaliser les plans pour le jour J.

Un déploiement à grande échelle 

Pas moins de 230 chevaux ont représenté les différentes nations lors des compétitions équestres aux Jeux de Tokyo. Le transport des animaux a nécessité une incroyable logistique. Ils ont d’abord été placés en préquarantaine à Liège, en Belgique, puis envoyés à Tokyo, où ils ont été installés dans une « bulle » exempte de contacts avec les chevaux japonais. Ces derniers peuvent être porteurs de maladies qu’on ne retrouve pas en Amérique du Nord. Une brèche sanitaire aurait eu comme conséquence d’imposer de lourdes quarantaines au retour au pays. 

Dans l’ensemble, les chevaux voyagent très bien et semblent bien tolérer le décalage horaire, peut-être en raison de leurs fréquentes, mais brèves périodes de repos au cours de la journée.

commission vétérinaireM. Rossier était à la tête de la Commission vétérinaire de la FEI, composée de trois autres collègues des États-Unis, de l’Italie et du Japon. À titre de délégué technique vétérinaire, il était responsable des installations et protocoles durant les épreuves, de la santé et du bien-être des animaux, de même que d’autoriser les traitements à administrer. Chaque équipe olympique était accompagnée d’un médecin vétérinaire responsable de prodiguer les soins aux animaux. Avant les compétitions, tous les chevaux passaient un bilan de santé pour confirmer qu’ils étaient aptes à participer aux épreuves. M. Rossier procédait aussi à une inspection des chevaux en mouvement pour vérifier qu’ils n’étaient pas boiteux et s’assurer de leur bonne forme physique. 

Contrairement aux humains, les chevaux ne peuvent pas bénéficier de TUE (Therapeutic Use Exemptions). Un athlète peut en effet avoir recours à une exemption si on déclare un traitement avec une substance interdite pour une raison médicale. Il en est autrement pour les chevaux. Selon le règlement de la FEI, aucun cheval ne peut recevoir d’antiinflammatoire ou d’analgésique durant les épreuves. M. Rossier pouvait autoriser certains traitements pourvu qu’ils ne mettent pas le bien-être du cheval en danger. On arrêtait l’administration de la médication durant les épreuves pour répondre au protocole de la FEI. 

Si un cheval doit être mis à l’arrêt pour une raison médicale, la prise de décision se fait la plupart du temps de façon consensuelle entre l’équipe et le vétérinaire délégué. « Les chevaux olympiques ont une très grande valeur, on ne veut pas compromettre leur carrière future. Le bien-être de l’animal doit toujours prédominer. »  Afin de permettre à davantage de pays de participer aux Jeux olympiques, le nombre de chevaux admis par équipe a été réduit à quatre plutôt que cinq, permettant de maintenir le même nombre d’animaux au total. Il y avait ainsi quatre chevaux pour une équipe de trois cavaliers. 

Dans un contexte de compétition équestre, les cas de blessures les plus fréquents sont les blessures musculaires ou tendineuses et les entorses. Les fractures sont rares. Les chevaux peuvent aussi subir les effets de la chaleur (fatigue, déshydratation, coups de chaleur).  

Un contrôle antidopage était géré de façon indépendante par la Fédération Équestre Internationale. Tous les chevaux médaillés étaient testés. On testait aussi des chevaux de façon aléatoire quotidiennement. Fort heureusement, le dopage chez les chevaux est peu répandu. Les résultats de tous les chevaux testés à Tokyo se sont d’ailleurs révélés négatifs. 

tente refroidissementLes animaux étaient traités aux petits oignons, comme tous les athlètes olympiques. Les chevaux avaient accès à des massothérapeutes, des kinésiologues, des acuponcteurs, des forgerons et des palefreniers. Leur plan de nutrition était aussi scruté à la loupe. On allait même jusqu’à valider la provenance du foin pour s’assurer qu’il réponde à leurs besoins nutritionnels! 

La météo : un défi de taille 

Une chaleur accablante régnait à Tokyo durant les Jeux olympiques. La FEI et l’équipe vétérinaire ont mis en place toutes sortes de mesures pour permettre le bon déroulement des compétitions et accommoder au mieux les chevaux.  Par exemple, ils ne pouvaient pas être montés entre 10 h et 15 h et la quasi-totalité des épreuves a eu lieu en soirée à compter de 17 h ». Un expert météo conseillait l’équipe. On se basait sur l’indice scientifique WBGT (Wet Bulb Globe Temperature2 ) pour les analyses, qui estime les effets de la température, de l’humidité et du rayonnement solaire. Si l’index WGBT dépassait 32, on demandait l’arrêt des compétitions. 

Une épreuve de cross-country a eu lieu exceptionnellement le matin, et devait se terminer à 11 h. « Nous avions une contrainte de temps pour cette épreuve. S’il y a une blessure ou un obstacle qui doit être reconstruit, il y a interruption de la compétition. Mon rôle était de m’assurer que les soins vétérinaires soient rapides et organisés immédiatement pour ne pas tout retarder » explique M. Rossier. « On a été très chanceux, nous avons pu terminer à temps » ajoute-t-il. 

La barrière de la langue a posé un défi durant les Jeux, comme peu de Japonais parlent anglais. Il a aussi fallu s’adapter aux coutumes. Les formules de politesse sont de mise, même durant les communications radio urgentes, ce qui pouvait parfois allonger le processus de transmission des informations, selon notre conception nord-américaine. 

ÉpreuveAu fil des ans, M. Rossier a pu observer une évolution dans les infrastructures et les conditions des compétitions équestres, et ce, dans l’intérêt des chevaux.  À Tokyo, il y avait des tapis de caoutchouc partout et les écuries étaient climatisées. On a aussi vu des chevaux compétitionner « pieds nus ».  « On a maintenant des protocoles qui évaluent cinq critères (fermeté d’impact, absorption, adhérence, élasticité et uniformité) qui assurent la qualité des surfaces de compétition ou d’entrainement et minimisent les risques de blessures. Rien n’est fait au hasard. À Tokyo, les sols étaient d’une grande qualité, les chevaux n’avaient pas nécessairement besoin d’être ferrés. » 

Les éléments de parcours sont aussi beaucoup plus sécuritaires pour les chevaux : les barres pour les sauts sont plus légères et les mécanismes qui les soutiennent sont conçus pour céder plus facilement lors d’un impact. Les obstacles des épreuves de cross-country sont construits de façon à s’affaisser au-delà d’un certain poids. 

À savoir s’il aimerait répéter son expérience olympique comme délégué technique vétérinaire, il répond « Mon dernier rôle à Tokyo représentait le sommet, il n’y a pas de plus grande responsabilité. Ce fut une expérience fabuleuse, j’aime la communication et interagir avec des gens de partout à travers le monde. Mais c’est aussi une pression et un stress importants. C’est une occasion qui ne se présente qu’une fois dans une vie, car la tradition veut qu’on ne puisse être nommé qu’une seule fois par la FEI ».  

M. Rossier est toujours passionné par son rôle et suit de près les préparatifs pour les compétitions d’envergure prévues en 2023, notamment aux championnats d’Europe, en France et en Italie, et aux Jeux panaméricains au Chili. Il continue aussi de collaborer avec le comité vétérinaire de la FEI.

 

1. Les Jeux olympiques d’été devaient avoir lieu en 2020, mais ont été reportés d’un an à cause de la pandémie. 

2. Température au thermomètre-globe mouillé. 

 

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