Responsables de la chronique : Dr Jean Sirois, m.v. et Dre Christine Théorêt, m.v.
Dr Jocelyn Dubuc, m.v., M. Sc., D.V.Sc.
PARLEZ-NOUS DE VOS ORIGINES
Je suis le plus vieux d’une famille de trois enfants et j’ai grandi sur une ferme laitière située à Sainte-Cécile-de-Milton, une municipalité localisée près de Saint-Hyacinthe. J’ai travaillé à la ferme pendant toute ma jeunesse et je voyais régulièrement les vétérinaires y faire des interventions en médecine préventive et curative. À ce moment, j’aspirais avant tout à être producteur laitier; je voulais gérer une ferme. D’ailleurs, dès l’âge de 12 ans, c’est moi qui s’occupais de la gestion du troupeau, de faire les courbes de lactation pour chaque animal, d’effectuer le contrôle laitier et de maintenir les dossiers pour le suivi de la reproduction et de la santé des animaux : tout ça me passionnait!
DÉCRIVEZ VOTRE PARCOURS PROFESSIONNEL
Après le cégep, j’ai longuement hésité entre le programme de formation en génie agricole et celui en médecine vétérinaire. J’ai finalement choisi le deuxième et obtenu mon D.M.V. en 2005. Au moment où, à la fin de la 5e année, j’allais accepter une offre d’emploi en pratique des grands animaux, un professeur m’a proposé d’effectuer un programme de maîtrise portant sur l’effet du monensin et de l’alimentation sur la production laitière et la composition du lait. Bien que peu familier avec ce type de formation, j’aimais l’idée d’être responsable d’un projet de recherche, alors j’ai accepté. En 2005, j’ai également été le premier étudiant de la Faculté à participer au Summer Dairy Institute de l’Université Cornell, un programme d’été de formation intensive en médecine des bovins laitiers. Ce fut une expérience très enrichissante, aussi bien pour les connaissances que pour le réseautage. Après avoir complété une maîtrise en 2007, j’ai poursuivi mes études à Guelph et obtenu un Doctorate in Veterinary Science (D.V.Sc.) en Ruminant Health Management en 2010. Mon projet de recherche en médecine de population portait sur différents aspects de la santé utérine, y compris la terminologie, le diagnostic, l’impact et le traitement des infections utérines en période post-partum. Ce fut une étude de grande ampleur et pour laquelle de nombreuses données épidémiologiques ont été récoltées auprès de plus de 2 200 vaches laitières. Finalement, un an avant de terminer mon D.V.Sc., j’ai été sélectionné pour un poste de professeur adjoint en médecine de population bovine à la Faculté. Ce fut pour moi tout un incitatif à terminer dans les délais prescrits mon programme d’études!
QUEL EST LE PRINCIPAL ENJEU DANS VOTRE DOMAINE?
Mon domaine de pratique et de recherche utilise une approche de médecine de population, et non de médecine individuelle. L’enjeu principal est de rendre les fermes laitières plus performantes en se préoccupant de la santé globale du troupeau. Je ne travaille donc pas sur un élément pointu, mais plutôt sur un ensemble de facteurs qui ont des répercussions sur la ferme, y compris, entre autres, la reproduction, la santé, la productivité et le bien-être. En utilisant une surveillance et un échantillonnage systématiques, nous recueillons les données épidémiologiques permettant d’établir la prévalence de certaines conditions ou de facteurs de risque. Ensuite, mon rôle est de déterminer à quel moment cette prévalence devient trop élevée et a une incidence sur le rendement du troupeau. Le but est réaliste et ne vise pas à éliminer complètement les maladies et les facteurs de risque, mais plutôt à déterminer le seuil à partir duquel leur prévalence devient problématique.
QUEL EST VOTRE OBJECTIF À MOYEN TERME?
Mon objectif est de créer la meilleure banque de données et de déterminer les meilleurs indicateurs liés à la santé des troupeaux laitiers, et de fournir ces outils aux vétérinaires afin qu’ils puissent mieux conseiller les producteurs. Le but est d’amener les praticiens à penser en fonction de la santé du troupeau, et non seulement de la santé de l’animal. La tâche n’est pas simple en raison du caractère multifactoriel de l’approche et du changement de culture que représente la transition de la médecine individuelle vers la médecine de population. Selon moi, l’amélioration du rendement des fermes laitières dépend avant tout de notre capacité à différencier avec justesse un troupeau en santé de celui qui ne l’est pas, et à mettre en place des interventions pour corriger la situation.
QU’EST-CE QUE VOUS APPRÉCIEZ DANS VOTRE TRAVAIL?
J’aime le cercle vertueux qui existe entre la pratique, la recherche et l’enseignement. En effet, les problématiques et limitations que je rencontre dans ma pratique alimentent mes thématiques de recherche, et les résultats de ma recherche améliorent ma pratique au quotidien et mon enseignement. J’apprécie également travailler au sein du groupe du service ambulatoire, une équipe dynamique qui participe activement au développement de la médecine de population et à la formation d’étudiants aux cycles supérieurs dans ce domaine. À terme, ma capacité d’influencer les étudiants et les vétérinaires déjà en pratique à devenir de meilleurs experts de la santé des troupeaux demeure pour moi l’indicateur que j’aurai vraiment contribué à l’avancement de la profession.