Responsable de la chronique : Dr Jean Sirois, m.v.
PARLEZ -NOUS DE VOS ORIGINES
Née à Montréal, j’ai été élevée avec mon frère dans une famille modeste. Je garde de mon enfance des souvenirs de valeurs familiales fortes et d’étés heureux passés en compagnie de mes cousins et cousines. Comme d’autres, j’ai eu divers intérêts qui ont évolué au fil du temps. J’ai d’abord voulu être détective, ce qui n’est probablement pas étranger au fait que j’ai lu tous les « Agatha Christie ». Ensuite, j’ai pensé être infirmière, puis fermière; la campagne et les animaux de
la ferme m’intéressaient. Au final, je réalise que c’est vraisemblablement l’amalgame d’éléments de ces différentes professions qui m’a ultimement attirée vers la médecine vétérinaire.
DÉCRIVEZ VOTRE PARCOURS PROFESSIONNEL
J’ai entrepris mes études au doctorat en médecine vétérinaire en 1976, le programme était alors de quatre ans; je suis donc un modèle 1980! L’élément déclencheur de mon intérêt envers la médecine porcine remonte à un emploi d’été après la troisième année du DMV. Le travail consistait en une importante étude épidémiologique du MAPAQ auprès de 100 éleveurs de porcs du Québec. De 1980 à 1982, j’ai réalisé une maîtrise à la FMV avec le Dr Laszlo DeRoth sur l’hyperthermie maligne chez le porc. Mon projet avait impliqué l’achat d’un tapis roulant que nous avions adapté pour le porc et qui avait nécessité que je développe une expertise en chirurgie, mais aussi en menuiserie. Par la suite, de 1983 à 1986, j’ai effectué un Ph. D. à l’Université du Minnesota avec le Dr Al Leman, une icône de la médecine porcine. Mon projet, de nature épidémiologique, visait
à comparer la longévité et les causes de réforme de truies élevées individuellement (cages) à celles élevées en groupe (parcs). Dans les années 80, la majorité des truies était élevée en parcs, mais la mouvance incitait à migrer vers l’utilisation des cages afin d’éviter les problèmes de hiérarchie observés dans les parcs et de faciliter les soins individuels aux animaux. Aujourd’hui, sensibles aux considérations de bien-être animal, nous assistons à un retour à l’élevage en parcs avec l’objectif d’améliorer les conditions de vie des porcs élevés en groupes. Je suis revenue à la FMV en 1986 à titre de professeure adjointe en médecine porcine; une carrière qui correspondait vraiment à mes intérêts envers l’enseignement, la recherche et le service clinique que je voulais absolument maintenir.
QUEL EST VOTRE DOMAINE DE RECHERCHE?
Je fais de la recherche appliquée en épidémiologie et en médecine porcine et mes efforts s’orientent majoritairement vers les maladies infectieuses, bien que les enjeux de bien-être animal m’interpellent aussi. Je m’intéresse particulièrement au Syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP), une maladie entrainant des pertes économiques importantes au Québec. La diarrhée épidémique porcine (DEP) représente également une menace importante et un sujet d’actualitéQUEL EST VOTRE OBJECTIF À MOYEN TERME?
Mon principal objectif est de mieux comprendre la transmission des agents pathogènes à l’échelle populationnelle. Bien qu’il soit utile de connaitre les modes théoriques de transmission d’un virus, le plus important en pratique est de savoir quels sont les modes les plus fréquemment observés à l’échelle d’une population afin de mieux contrôler la maladie et d’aider les intervenants à prioriser leurs actions.
QUELLE EST VOTRE RÉALISATION LA PLUS MARQUANTE?
Je suis particulièrement fière d’un programme majeur que notre équipe et divers intervenants du milieu (éleveurs, médecins vétérinaires, etc.) ont mis en place pour contrôler l’évolution du SRRP au Québec. Cette initiative implique, entre autres, la caractérisation par séquençage des nombreuses souches de SRRP, un virus qui mute facilement, et l’étude de leur propagation entre les élevages. Nous venons d’ailleurs de mettre en ligne un outil informatique interactif permettant de relier les données de séquençage à celles du positionnement géographique, et ainsi comparer la souche de SRRP qui apparait dans un élevage à celles présentes dans les autres sites d’une
région donnée. Ainsi, notre approche permet de faciliter l’identification des sources potentielles de contamination et d’évaluer l’efficacité de nouvelles mesures de contrôle mises en place. L’application de cette technologie pourrait s’avérer d’une grande utilité pour d’autres maladies infectieuses, telle la DEP.
QU’EST-CE QUI VOUS MOTIVE?
C’est de se renouveler continuellement, de se remettre en question et de développer de nouvelles connaissances et approches. Ma recherche est grandement influencée par les contacts étroits que j’entretiens avec le milieu de la pratique porcine. J’apprécie le partage d’information et l’appui de mon domaine, des prérequis indispensables au succès de la recherche appliquée. Participer à la formation est aussi très important pour moi, comme en témoigne mon implication —
pendant trois éditions consécutives — à titre de coéditrice de Diseases of Swine, la « bible » en médecine porcine. Finalement, j’avoue que ça me fait un petit velours lorsque j’entends mes collègues à l’étranger dire que les Québécois sont parmi les plus aptes à utiliser les résultats de séquençage pour en tirer de l’information clinique.