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Des procédures non invasives au service des patients

Marilyn Dunn est professeure titulaire en médecine interne des animaux de compagnie au Département de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, et directrice du Centre de médecine interventionnelle du CHUV. Elle est une référence incontournable en médecine vétérinaire interventionnelle au Canada et à l’international. 

« Médecine interventionnelle » est la formule que Dre Dunn a proposée pour définir les activités du Centre d’excellence en médecine interventionnelle (CEMI). Il est inspiré du terme anglophone « interventional medicine ».

«La médecine interventionnelle n'est pas une procédure, c'est une façon d'approcher un patient et une  manière de pratiquer la médecine vétérinaire». 

- Marilyn Dunn 

Ce nouveau centre permet la réalisation de procédures peu invasives, en passant par les voies naturelles du corps et en utilisant l’imagerie médicale pour guider les traitements. « L’imagerie nous permet de pratiquer des interventions à l’intérieur du corps, sans nécessairement ouvrir le patient », explique Dre Dunn. Les approches peu invasives sont de plus en plus répandues en médecine vétérinaire, en grande partie à la demande des propriétaires d’animaux. Ceux-ci souhaitent que leurs compagnons aient accès à ces types d’intervention, comme en médecine humaine. 

La médecine interventionnelle au service des patients 

Plusieurs sortes d’interventions sont réalisées au CEMI. Environ 80 % des patients qui y sont traités ont des maladies et complications au niveau du système urinaire. La médecine interventionnelle est tout indiquée pour ces cas, puisque les orifices naturels mènent directement à la région à traiter. Il est aussi possible, par exemple, d’atteindre la vessie par le nombril, par laparoscopie. En pratiquant une petite incision d’un centimètre tout au plus, une minuscule caméra peut être insérée dans le corps de l’animal afin de guider le médecin vétérinaire. Près de 10 % des patients présentent quant à eux des problèmes respiratoires. Dans ces cas, les équipes vétérinaires utilisent l’imagerie médicale pour se guider, en passant par d’autres orifices naturels, comme le nez ou la trachée. « Nous pouvons réaliser des chirurgies au laser ou poser des implants ». La médecine interventionnelle permet également de résoudre des ennuis de santé associés au système gastro-intestinal. Les équipes passent alors par la bouche, l’œsophage, puis l’estomac. Finalement, approximativement 10 % de la clientèle y est traitée pour des problèmes liés au système vasculaire. Grâce à la cardiologie interventionnelle, les praticiens peuvent s’introduire par les vaisseaux sanguins pour atteindre le cœur, le foie et traiter des anomalies des vaisseaux. 

Deux classes de patients peuvent bénéficier du CEMI. La première catégorie comprend les animaux qui pourraient être soignés autrement que par la médecine interventionnelle. Dre Dunn fournit l’exemple d’un chien ayant un calcul dans la vessie. Il serait possible de pratiquer une chirurgie en incisant la vessie pour retirer le calcul. Cette intervention implique de couper de nombreux tissus, muscles et organes. Elle est plus douloureuse et nécessite une hospitalisation et un temps de récupération plus long pour le patient. Elle peut, de plus, entraîner davantage de complications et d’inconfort. Cette méthode est donc moins avantageuse que la médecine interventionnelle, surtout pour les animaux présentant d’autres problèmes de santé, guérissant moins bien ou étant plus âgés ou anxieux lorsqu’ils sont séparés de leur propriétaire. Une intervention chirurgicale majeure est aussi une source de stress pour le propriétaire, qui a un lien d’attachement fort avec son animal de compagnie. La médecine interventionnelle permet par conséquent de réduire ce niveau de stress. Les procédures étant non invasives, le temps de récupération est beaucoup plus court. Une opération chirurgicale au niveau de la vessie peut nécessiter une hospitalisation allant d’un à trois jours. En médecine interventionnelle, les patients sortent le jour même. La deuxième catégorie de patients pouvant profiter du CEMI inclut les animaux dont la condition ne pourrait être traitée que par la médecine vétérinaire interventionnelle. 

 

Crédit photo : Amélie Philibert

Le CEMI peut accueillir une grande variété d’espèces animales. La principale clientèle du centre est composée d’animaux de compagnie, mais il peut également recevoir des animaux provenant du service de médecine zoologique, tels des oiseaux, des cochons d’Inde, des lézards, des tortues et des furets. Les appareils d’imagerie, très puissants, peuvent capter les plus fins détails, même chez les animaux de très petite taille, comme les souris. Le centre pourrait aussi réaliser des interventions sur des animaux provenant de jardins zoologiques, tels que des paresseux, des alligators ou encore sur des animaux d’élevage comme des veaux, des cochons, des poulains, des chèvres, des moutons et des lamas. Les appareils technologiques du CEMI sont les mêmes que ceux utilisés en médecine humaine, ce qui impose certaines limites de taille et de poids. La salle peut ainsi recevoir un patient pesant jusqu’à 400 kg. Concrètement, pour pouvoir être traités au centre, les animaux doivent pouvoir passer par la porte, et avoir une masse compatible avec les capacités de la table d’opération et des appareils d’imagerie. Il serait possible d’admettre un poney, mais pas un cheval adulte.

La médecine interventionnelle se distingue donc par son aspect non invasif et son niveau élevé de précision. Elle permet également de guider les procédures des différentes unités, comme, par exemple, en chirurgie orthopédique et en neurologie. Jusqu’à tout récemment, lorsqu’un chien ou un chat avait une hernie discale, le médecin vétérinaire consultait l’imagerie avant d’aller en chirurgie. Cependant, il pouvait être difficile d’avoir une bonne visualisation en cours d’intervention. Les neurologues du CHUV pourront désormais exécuter des chirurgies de hernies discales en utilisant l’équipement du CEMI, pour obtenir une image en temps réel. Les installations offrent même de combiner les images de deux appareils, comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’appareil de tomodensitométrie (CT-Scan), donnant une perspective très détaillée. Pour traiter une tumeur au cerveau, le médecin vétérinaire neurologue pourra se guider par imagerie afin d’avoir une perception approfondie de l’intérieur du crâne de l’animal. La technologie proposée au CEMI permet également de produire des reconstitutions 3D, incroyablement avantageuses en chirurgie orthopédique. 

Former la relève 

Les étudiants et étudiantes sont exposés au centre dès le doctorat de premier cycle en médecine vétérinaire (D.M.V.). Ils effectuent une rotation, en médecine interne, en cardiologie, en neurologie ou en orthopédie. Les membres des cohortes de 5e année peuvent aussi réaliser un stage de deux semaines au centre. Les étudiants et étudiantes de deuxième cycle en médecine vétérinaire à l’internat et à la résidence sont également impliqués dans la gestion des patients et les interventions. Au terme de leur parcours académique, les étudiantes et étudiants seront sensibilisés aux différents types d’interventions possibles en médecine interventionnelle. Ainsi, dans leur future pratique, ils sauront qu’il est possible d’incorporer l’imagerie médicale dans le traitement des patients. Plusieurs cliniques sont équipées d’appareils d’échographie et de radiographie qui permettent d’inclure la médecine interventionnelle à la pratique, sans nécessairement avoir recours à une chirurgie importante. « Ce que nous tentons de transmettre aux étudiants, c’est d’approcher les patients en se demandant s’il y a une procédure peu invasive dont ils pourraient bénéficier », explique-t-elle. Par exemple, en présence d’une petite masse dans la vessie, plutôt que d’ouvrir la vessie et retirer la masse, il serait envisageable d’insérer un petit cathéter en regardant avec un échographe et réaliser une biopsie. Les vétérinaires praticiens en clinique privée pourront aussi référer des patients au CEMI. 

 

Crédit photo : Amélie Philibert 

Lors des interventions, des étudiants et des étudiantes s’arrêtent fréquemment dans le couloir pour observer à travers la fenêtre donnant sur la salle. Le centre suscite énormément d’intérêt de la part de la communauté étudiante. « Les étudiants posent souvent des questions après avoir vu une intervention, ça pique leur curiosité », explique-t-elle. « En enseignement, nous transmettons des connaissances, mais elles évoluent très rapidement. Inculquer une curiosité scientifique, une ouverture d’esprit, j’estime que c’est encore plus important que de transmettre des connaissances spécifiques », ajoute Dre Dunn.

 

Marilyn Dunn est l’une des quatre personnes ayant fondé en 2015 le Veterinary Interventional Radiology and interventional Endoscopy Society (VIRIES). Cette société à but non lucratif vise à partager des informations sur les procédures peu invasives, à publier des travaux de recherche sur le sujet et enseigner ces procédures aux médecins vétérinaires spécialistes. Elle a aussi pour mission de faire connaître la médecine interventionnelle aux propriétaires d’animaux. La VIRIES compte plus de 1 000 membres à travers le monde.  Elle est aussi membre fondatrice du American College of Veterinary Nephrology and Urology (ACVNU).