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Une mission d'appui en santé animale

Younès Chorfi, professeur titulaire au département de biomédecine vétérinaire de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal,  a collaboré avec Cécile Aenishaenslin, professeure adjointe au département de pathologie et microbiologie, dans une mission d’appui en santé animale au Burkina Faso en 2018. Ce projet de partage de savoir-faire en médecine vétérinaire a permis de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des habitants et des habitantes de cette région d’Afrique.

Atelier

Cette mission au Burkina Faso a pu être réalisée grâce à une collaboration entre la Faculté de médecine vétérinaire et la division internationale de l’Union des Productions Agricoles, l’UPA DI. L’organisation a pour mission de soutenir la ferme familiale comme modèle d’agriculture durable. Elle favorise la collaboration et le partage de connaissances entre les agriculteurs du monde entier tout en faisant rayonner l’expertise québécoise à l’étranger. 

De concert avec ses collègues de l’UPA DI, un projet de mission basé sur la santé animale a été réalisé. La mission devait se pencher plus spécifiquement sur l’élevage des animaux de production. « Nous devions initier la population aux différents types d'élevages, grâce à notre formation en médecine vétérinaire », résume M. Chorfi. L’élevage des petits ruminants, notamment celui des ovins (moutons, brebis), est peu développé là-bas. Dans le cadre du projet, l’UPA DI a donc procédé à l’acquisition d’animaux (femelles et mâles) pour certains éleveurs qui ont pu être suivis durant la mission. Un éleveur de moutons québécois a aussi accompagné l’équipe vétérinaire. 

En plus de veiller au volet de la santé animale, M. Chorfi, qui est aussi professeur en nutrition animale, était responsable de superviser tout le volet lié à l’alimentation des ovins et des poules. « Nous avons fait bénéficier des étudiants et des étudiantes de cette mission », dit-il. Cette participation s’inscrivait dans le cadre d’un stage crédité pour la cohorte de 5e année.  Une de leurs collaboratrices, Catherine Turcotte, qui était étudiante à la FMV à l’époque, a d’ailleurs séjourné au Burkina Faso durant un mois. 

DédougouLe choix du Burkina Faso pour cette mission s’est imposé naturellement, comme l’UPA DI travaillait déjà avec une organisation locale, établie dans la région depuis près de 30 ans. « Nous avons été mis en relation avec l’Union des Groupements pour la Commercialisation des produits Agricoles de la Boucle du Mouhoun (UGCPA/BM) dans la ville de Dédougou, qui se trouve à l’ouest d’Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso », précise-t-il. Cette relation bien établie a grandement facilité le déroulement de la mission. « J’ai eu l’occasion de participer à un projet similaire au Sénégal, mais dans un contexte où les liens devaient être développés. Nous n’avions pas les mêmes mécanismes, alors que nous allions nous implanter pour la première fois pour aider ». 

ouagadougou

Dans le cadre de la mission au Burkina Faso, deux types d’acteurs locaux importants ont été mis à contribution, soient les animateurs endogènes (les agents) et les techniciens vétérinaires. Les agents sont chargés de superviser plusieurs villages en ce qui a trait à la production agricole, notamment celle du coton.  « Nous nous déplacions de village en village avec l’appui de l'association agricole qui employait des agents sur le terrain », précise M. Chorfi. Quant aux techniciens vétérinaires, ils sont formés et embauchés par l’état, puis assignés à une région. Il n’y a pas beaucoup de vétérinaires sur le terrain au Burkina Faso. Les techniciens étaient donc invités aux rencontres organisées dans les villages, profitant ainsi du partage d’expertise. 

« Nous avons donc utilisé le réseau en place, en accompagnant les agents sur le terrain, afin de démontrer à la population les avantages liés à l’élevage ovin et avicole », résume M. Chorfi. En effet, ce type d’élevage permet d’augmenter concrètement le revenu des familles. Et plus particulièrement, l’élevage de petits ruminants permet d’octroyer plus d’autonomie aux femmes. Il s’agit d’une cible déterminante qui cadre avec celle d’Affaires mondiales Canada, qui accorde les financements, mais aussi du Programme d’aide à l’innovation (PAI) du gouvernement fédéral canadien.  

Il faut savoir que traditionnellement, les hommes se consacrent aux grandes cultures, comme celles du blé ou du coton. Ils privilégient aussi l’élevage de bœufs et l’élevage de bovins laitiers, qui génèrent davantage de revenus. Les hommes laissent les autres types d’élevages aux femmes et aux enfants. Les femmes s’occupent généralement d’administrer les finances du foyer, car elles connaissent les besoins de tous les membres du clan.  « En veillant à l’élevage d’animaux de basse-cour, elles peuvent gagner de l’argent qui servira à améliorer la qualité de vie de la famille », explique M. Chorfi. Ce revenu supplémentaire peut être consacré à l’éducation des enfants, notamment celle des filles, qui, trop souvent, doivent quitter l’école quand la situation financière familiale est fragile. 

Il est question ici d’élevages de quelques têtes seulement, soit une dizaine tout au plus. « C’est donc tout à fait réalisable, puisqu’un minimum d’efforts et de connaissances est requis. Il suffit d’être bien encadré au début », résume M. Chorfi. Le projet était axé sur l’élevage ovin et aviaire principalement pour des raisons économiques et d’accessibilité. Il est en effet facile de se procurer des moutons ou des poules à peu de frais et les femmes peuvent aisément s’en occuper. 

rencontre villageLes agents de l’UGCPA/BM agissaient à titre de facilitateurs sur le terrain et coordonnaient les visites dans les différents villages. Ils assuraient le transport de l’équipe, qui pouvait visiter entre deux et trois villages par jour, selon la distance. Ces visites se tenaient dans des lieux de rassemblement comme l’école ou la place publique du village. Les agents jouaient également le rôle d’interprète, puisque la majorité des gens rencontrés ne parlaient pas le français. 

Un ingénieux système de partage de connaissances 

Des ateliers de formation en santé animale ont été développés à l’intention des éleveurs et producteurs agricoles. 38 % des participantes aux ateliers organisés étaient d’ailleurs des femmes. L’équipe de M. Chorfi a fait preuve d’ingéniosité en créant du matériel vulgarisé et adapté au public cible, comme la majorité de la population est analphabète. Pour pallier ce défi, l’équipe a élaboré un système de fiches explicatives. « Nous voulions tout imager pour faciliter la compréhension », relate-t-il. Des fiches ont été préparées pour couvrir différents thèmes, comme la médication, la reproduction, l’alimentation et les abris. 

« Durant notre séjour, nous avons remarqué la présence de vendeurs ambulants dans les marchés qui proposent des produits soi-disant antibiotiques ou antiparasitaires », explique M. Chorfi.  Ces produits ne sont pas distribués par des vétérinaires et leur composition est inconnue. « Ça peut être n’importe quoi ». Il n’y a malheureusement aucune réglementation visant à encadrer ce type de vente de médicaments pour animaux au Burkina Faso ».  Il y avait donc un besoin d’éduquer la population au sujet des différents types de produits disponibles sur le marché, mais surtout, de l’aiguiller vers les produits fiables. 

À titre d’exemple, l’équipe a visité la pharmacie vétérinaire afin d’obtenir les bouteilles vides de produits de vaccination. Des images ont été produites pour démontrer quel produit servait à prévenir quelle maladie. On identifiait aussi les maladies répertoriées chez les petits ruminants advenant une non-vaccination. On retrouve de nombreuses maladies chez les animaux au Burkina Faso, dont certaines ne sont pas présentes au Canada. 

atelier villageDurant les ateliers, l’équipe a transmis certaines notions de base aux participants, notamment en ce qui a trait aux vaccins. Les membres ont expliqué leur mode de conservation et la façon de les administrer. Au Burkina Faso, certains éleveurs vaccinent eux-mêmes les animaux, comme il y a peu de ressources vétérinaires. Les techniciens vétérinaires étant seuls pour couvrir un vaste territoire, leur disponibilité est limitée. Il y a aussi des frais associés aux visites que le producteur ne peut pas toujours assumer. Les techniciens confient parfois les vaccins au producteur qui se chargera d’injecter les doses lui-même.  

« Nous étions disponibles pour répondre aux questions des participants durant les ateliers et nous allions parfois visiter des foyers où les femmes avaient déjà amorcé un élevage et avaient des interrogations ». M. Chorfi a d’ailleurs proposé que les participants et participantes visitent des élevages locaux pour être témoins d’une installation réussie. Des rencontres ont été organisées chez les éleveurs. Les gens avaient ainsi l’occasion de constater qu’un élevage ovin ou aviaire était tout à fait accessible et simple à gérer. « En somme, si quelqu'un du même village est arrivé à le faire, il n’y a aucune raison pour qu’une autre personne ne réussisse pas », résume-t-il. En plus d’être très convaincante, cette formule a pu favoriser les échanges et le partage d’informations sur la santé animale. 

L’équipe a aussi exposé la population aux avantages financiers de posséder un élevage, à partir d’exemples très concrets. Essentiellement, on comparait les investissements requis pour l’acquisition et l’élevage, au bénéfice potentiel réalisé lors de la vente d’un animal au marché local. « Il y avait une section dans la documentation destinée à faire cette démonstration ». 

Dans le but d’assurer la pérennité du partage d’information, le matériel d'apprentissage développé par l’équipe de M. Chorfi a été confié aux agents de la région à l’issue de la mission. « Nous avons légué le matériel aux agents sur place, qui connaissent très bien la ville et les villages. Ainsi, ils peuvent poursuivre le travail d’éducation ». 

Ce projet de mission a donné l’occasion aux étudiantes et aux étudiants participants d’être exposés à un tout autre type de pratique. « C'est un peu ça l'objectif, de relativiser ce qu'ils ont ici, par rapport au reste du monde ». Cette mission met en perspective des différences culturelles, mais aussi des écarts de développement. Cécile Aenishaenslin ajoute : « Ce stage a permis aux étudiants et aux étudiantes du doctorat en médecine vétérinaire de s’initier aux enjeux et à la pratique de la médecine vétérinaire dans un contexte de développement international. Il a pour but de les sensibiliser aux enjeux de la mondialisation, aux inégalités sociales et au développement international, qui sont d’intérêt pour le bien-être et la santé animale et humaine. Cette expérience a contribué à développer leurs compétences pour faire face à ces enjeux dans leur pratique de la médecine vétérinaire, autant au Canada qu’à l’international ».

Un tel projet a permis de présenter une autre facette de la pratique de la médecine vétérinaire. M. Chorfi mentionne que la carrière de médecin vétérinaire dans un pays en voie de développement peut être bien différente de celle proposée ici. « C’est une autre philosophie, ce sont d’autres objectifs. Le vétérinaire devient un agent de développement plutôt qu’un vétérinaire de soins. Il est à la fois vétérinaire, agent de développement, il possède des notions d’agronomie et des connaissances en médecine humaine ». C’est une perspective de carrière qui s’inscrit dans l’esprit « d’Une seule santé ». Ce concept prône en effet que la santé animale et la santé humaine sont interdépendantes et liées à celle des écosystèmes sur le globe. 

Pour M. Chorfi, l’une des plus belles récompenses liées à ce type de mission est de constater que le transfert de connaissances a porté ses fruits. « Quand tu reviens l’année d’après et que tu rencontres l’une des femmes du village à qui tu as fait une démonstration et qui possède maintenant son propre élevage et en retire des bénéfices, c’est une grande satisfaction. Je sais qu’il y a un impact positif sur sa famille ». 

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